Contrôler l’expression de ses émotions n’est pas toujours néfaste

344px-Chinese_child_drinking_from_juicebox-150x150De nombreuses recherches ont mis en évidence que contrôler l’expression de ses émotions a des effets délétères. On sait par exemple que la tendance à tout mettre en œuvre pour ne pas que les autres puissent voir ce qu’on ressent est corrélée à une diminution des émotions positives ressenties, à une augmentation des émotions négatives, et à une augmentation de l’activation du système sympathique (le rythme cardiaque s’accélère, les pupilles se dilatent, la sudation est plus importante, etc.). Autant de conséquences peu surprenantes lorsqu’on connaît l’effet rebond de la suppression de pensée (rappelez-vous l’ours blanc de Daniel Wegner). Chercher à contrôler l’expression de ses émotions est aussi corrélé à de moins bonnes relations interpersonnelles, à une humeur plus souvent dépressive, et à une moins bonne qualité de vie.

Oui mais voila, tout n’est pas toujours tout blanc ou tout noir (pas même les ours)…
En effet, des chercheurs ont mis en évidence que ces conséquences néfastes du contrôle de l’expression émotionnelle n’apparaissent pas dans les cultures qui valorisent le contrôle émotionnel. En comparant des étudiants chinois et américains, des chercheurs ont en effet découvert que le lien entre le contrôle des émotions, une humeur triste et une mauvaise qualité de vie n’existe pas chez les étudiants chinois.

Nous observons le plus souvent en clinique que les tentatives de suppression des émotions négatives (ce qu’on appelle l’évitement expérientiel dans l’ACT) entretiennent ces émotions, voire les majorent. Remarquons au passage que s’il existe un lien entre l’évitement émotionnel et le contrôle de l’expression émotionnelle, les deux processus ne se confondent pas (il est possible d’expérimenter des émotions sans les exprimer, et inversement).
Pourtant -et c’est l’enseignement principal de cette recherche- bien que nous observions des régularités, il est important de partir de l’expérience vécue par les patients, sans a priori, et d’explorer quelles conséquences la suppression des émotions a pour eux (et non rechercher les effets néfastes que la suppression d’émotions aurait nécessairement). Les différences culturelles mises en évidence dans cette recherche permettent en effet de supposer qu’il existe également des différences entre les personnes, et peut-être chez une même personne, en fonction de l’émotion qu’elle cherche à supprimer, son intensité, le contexte, l’histoire de la personne etc.
Face à ces différences, et pour que chaque thérapie soit la plus efficace possible, c’est bien entendu sur la flexibilité du thérapeute que tout repose. Rien de pire qu’un thérapeute qui cherche des « preuves » de sa théorie…

Source: Soto, J. A., Perez, C. R., Kim, Y. H., Lee, E. A., & Minnick, M. R. (2011). Is expressive suppression always associated with poorer psychological functioning? A cross-cultural comparison between European Americans and Hong Kong Chinese. Emotion11(6), 1450-1455.

L’article est disponible ici.

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