L’importance de la théorie en TCC

Après une période faste au cours de laquelle l’efficacité des nouvelles approches en TCC, notamment de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT), a été testée dans la majorité des troubles, de plus en plus d’articles se penchent maintenant sur des aspects théoriques et épistémologiques. On sort des questions comme « l’ACT est-elle plus efficace que la TCC « traditionnelle » »? ou encore « la méthodologie de l’ACT est-elle différente de celle de la psychologie cognitive? » pour se demander ce que l’accent mis sur la théorie dans l’ACT (notamment sur la théorie des cadres relationnels) apporte de nouveau aux TCC.

C’est ce que proposent James Herbert, Brandon Gaudiano et Evan Forman dans un article paru dans Behavior Therapy. Comme le rappellent les auteurs, cela fait maintenant plusieurs décennies que les universitaires travaillant sur les modèles cognitifs et comportementaux regrettent que les TCC se soient tellement éloignées de la recherche fondamentale. Aux interactions premières entre recherche et pratique clinique, qui permettaient de tester expérimentalement des démarches thérapeutiques ou d’appliquer en clinique des découvertes de laboratoire, s’est en effet progressivement substituée une « simple » recherche clinique visant à évaluer avec une méthodologie rigoureuse l’efficacité des traitements.

Mais cet état de fait est en train de changer. La thérapie d’acceptation et d’engagement s’appuie en effet sur un modèle théorique robuste, et cherche à conserver des liens forts entre ce modèle théorique et la pratique clinique. Certaines démarches thérapeutiques de l’ACT sont des applications directes des découvertes fondamentales. D’autres émanent de la pratique clinique, ont été créées par des cliniciens, et sont maintenant testées en laboratoire. C’est ce type d’allers et retours que Steve Hayes a qualifié d’approche « réticulée » (Hayes, Barnes-Holmes & Wilson, 2012)

Reste la question qui a fait chauffer beaucoup de claviers sur les forums de discussions internationaux: « Un clinicien doit-il connaître la théorie qui sous-tend la thérapie d’acceptation et d’engagement, et si oui, de quelle quantité de connaissances théoriques doit-il disposer pour être le plus efficace possible? ». Si la question de la part de connaissances théoriques nécessaire à un clinicien reste une question empirique qu’il faudra tester, Herbert et ses collaborateurs estiment que des connaissances théoriques appliquées permettent notablement d’améliorer l’efficacité des prises en charge, surtout lorsque la situation clinique est complexe (c’est à dire, chaque fois que le patient ne peut sortir de ses difficultés seul, par exemple au moyen de la bibliothérapie). Disposer de connaissances sur les mécanismes psychologiques fondamentaux permet en effet une grande autonomie dans la mise en place de démarches cliniques adaptées à chaque patient. Plus que l’apprentissage de « techniques », il est conseillé au clinicien d’en comprendre les fonctionnements et les objectifs, afin d’y recourir de façon efficace et appropriée. En clair, la connaissance de la théorie permet une application flexible des techniques, plus efficace qu’un simple-copié-coller. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas en thérapie d’acceptation et d’engagement de protocole strict, à suivre pas à pas.

Au-delà de l’ACT, c’est tout le champ des TCC qui progresse grâce au maintien de liens forts entre théorie et pratique clinique, car la créativité de cliniciens éclairés par la théorie permettra de découvrir de nouvelles démarches cliniques encore plus efficaces.

Source: Herbert, J. D., Gaudiano, B. A., & Forman, E. M. (2013). The Importance of Theory in Cognitive Behavior Therapy: A Perspective of Contextual Behavioral Science. Behavior Therapy.

L’article complet se trouve ici

Sur le même thème, vous pouvez aussi lire mon éditorial dans le Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive de décembre 2013.

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