ACT n’est pas réservée aux bacheliers

J’ai récemment été interrogé par un collègue quant à la nécessité de disposer d’un niveau éducatif, culturel ou intellectuel particulier pour parvenir à appréhender ACT, et donc pour être aidé par l’ACT.

C’est une question qui est souvent adressée aux différents modèles de psychothérapie : comment faire lorsque la personne qu’on essaie d’aider dispose d’un lexique restreint, ou qu’elle présente de faibles capacités d’abstraction, alors que l’outil principal de la psychothérapie est le langage ? En bref, la question de mon collègue était :

ACT es-elle utile uniquement aux personnes capables d’élaborer finement à propos de questions abstraites ou conceptuelles ?

Il est vrai que certaines démarches de l’ACT peuvent donner l’impression qu’il faut beaucoup y réfléchir pour en bénéficier. C’est le cas par exemple du changement de perspective, de la façon de considérer ses événements psychologiques pour accéder au soi comme contexte, ou encore de certains exercices de défusion. Les métaphores peuvent également poser problème à certains.

Cependant, d’abord cette difficulté potentielle ne concerne pas tous les axes thérapeutiques. Pas besoin de grandes compétences pour explorer ce qui est important pour soi, pour observer ce qui se déroule ici et maintenant, ou encore pour évaluer dans quelle mesure les efforts pour contrôler nos expériences psychologiques ont été efficaces, comme on le fait au cours du désespoir créatif.

De plus, rappelons-nous que l’ACT fourmille d’exercices expérientiels dont le but est de mettre à distance le langage, pour parvenir à une compréhension très « physique » d’un mécanisme psychologique.

Enfin, et surtout, il faut garder en tête l’hypothèse centrale de l’ACT : grâce au langage et les mécanismes de dérivation de fonctions qui le composent, du sens est automatiquement ajouté aux stimuli de notre environnement, pour le meilleur (les actions reconnues comme allant en direction des valeurs) comme pour le pire (les émotions douloureuses déclenchées par des stimuli ou des situations a priori anodins). Dès que nous accédons au verbal, nous ne pouvons plus nous empêcher de mettre les stimuli en lien les uns avec les autres, et nous le faisons souvent dans le but de détecter ce qui cloche, afin de nous tenir en sécurité. Ainsi, la majorité des difficultés psychologiques dans nos sociétés occidentales n’a pas grand-chose à voir avec la faim ou la confrontation à un risque vital. Nos difficultés psychologiques sont généralement le produit de nos capacités langagières, de nos capacités à évaluer, comparer, associer, analyser, etc.

Aussi, l’équation pourrait être formulée ainsi : s’il existe une souffrance psychologique en décalage avec le réel vécu ici et maintenant, c’est qu’il existe des compétences d’apprentissage relationnel suffisantes pour créer cette souffrance.

En conséquence, ces compétences peuvent être utilisées pour développer une distanciation avec les pensées et les émotions douloureuses, et pour avancer en direction de ses valeurs.

Alors, bien entendu, si le thérapeute est quelque peu priévé de ses outils conceptuels habituels, sa tâche est plus ardue pour aider son patient à développer de nouveaux comportements (distanciation, acceptation, engagement, etc.). Néanmoins, ces nouveaux comportements sont tout à fait accessibles, puisque les compétences langagières pour les atteindre sont présentes, sans quoi la souffrance ne serait pas apparue. Charge au thérapeute de faire preuve de créativité pour parvenir à aider au changement comportemental en s’appuyant moins sur les outils qu’il maîtrise le mieux (conceptualisation, abstraction, analogies, métaphores, etc.) et en cherchant des modes de transmission adaptés à la personne qui est en face de lui.

[Cet article intéresserait quelqu’un dans votre réseau? Partagez!]

1 comment for “ACT n’est pas réservée aux bacheliers