Le changement de perspective s’apprend !

Cc_att_shareLa capacité à changer de perspective sur soi et sur le monde représente une compétence importante pour limiter les effets de la fusion avec les pensées et l’évitement des émotions. Voir ses pensées et ses émotions depuis différents points de vue permet certainement de les relativiser. A l’inverse, les personnes qui souffrent de troubles psychologiques présentent fréquemment des difficultés à changer de perspective.

Mais comme souvent, il y a deux façons de considérer ces difficultés, selon qu’on les pense structurelles –chacun serait ou non doté de cette capacité-, ou fonctionnelles –cette capacité s’apprendrait et s’entraînerait.

De nombreux travaux basés sur la théorie des cadres relationnels ont montré que la capacité à changer de perspective sur soi et sur le monde se fonde sur ce qu’on appelle les cadres de relations déictiques, des relations verbales spatiales (Ici-Là bas), interpersonnelles (Je-Tu) et temporelles (Maintenant-Tout à l’heure). C’est au travers du langage qu’on apprend à voir le monde depuis le point de vue de l’autre. Les compétences en Théorie de l’esprit seraient fondées sur la capacité à voyager le long des cadres déictiques. On a découvert également une corrélation entre la maîtrise de ces cadres déictiques et les capacités langagières. Notamment, la capacité à changer de perspective s’acquiert chez l’enfant au même moment que l’acquisition du langage. Mais corrélation n’est pas causalité. Aussi, un groupe de chercheurs a entraîné spécifiquement des réponses déictiques relationnelles chez des enfants afin de voir si cela avait des effets sur leur capacité à changer de perspective. Et c’est bel et bien le cas.

En entraînant des enfants âgés de 57 à 68 mois à manipuler les cadres déictiques, les chercheurs ont observé que les performances aux tests habituels de changement de perspective –ces tests qui servent à évaluer les compétences en Théorie de l’esprit- s’amélioraient. Comment entraîne-t-on les cadres déictiques ? Par exemple au travers d’exercices comme celui-ci : « Hier j’avais une balle rouge, aujourd’hui tu as une balle bleue. Si hier était aujourd’hui, et si j’étais toi, quelle balle aurais-tu aujourd’hui ? » (pas de panique, cet exemple est un des plus complexes, vers la fin de l’entraînement !).

Ce qui a été démontré dans cette étude, c’est que la capacité à changer de perspective s’apprend. Et comme chacun le sait, on apprend à tout âge. Bien que des tests d’entraînement des compétences à manipuler les cadres déictiques n’aient pas encore été menés chez des thérapeutes, cette étude constitue un argument pour travailler cette compétence en clinique, en entraînant fréquemment le changement de perspective afin de mieux percevoir ce que vivent et ressentent les patients.

 L’article est disponible en ligne

 Weil, T. M., Hayes, S. C., & Capurro, P. (2011). Establishing a deictic relational repertoire in young children. The Psychological Record, 61(3), 371-390.

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