Cela prendra certainement un peu de temps, mais la fin de l’utilisation du DSM, et plus généralement de l’approche catégorielle, semble amorcée. Plusieurs signaux le laissent supposer.
Il y a eu d’abord la dénonciation de nombreuses failles dans l’approche par diagnostics. On a mis également en avant le manque d’innovation de sa dernière version, le DSM-5, là où beaucoup attendaient un changement de paradigme, en raison de ces importantes failles précisément. Et puis, les divergences ont été telles au sein de la task force de rédaction de cette dernière version, avec de nombreuses démissions, qu’on perçoit bien que le DSM doit radicalement changer, ou il disparaîtra…
Quelle sera l’alternative ? Peut-être une approche transdiagnostique. L’institut national américain pour la santé mentale (NIMH) a commencé à l’encourager -essentiellement pour des variables biologiques mais c’est déjà ça- au travers du projet RDoC. On avance aussi dans cette direction, pour des processus psychologiques cette fois, au travers de l’approche fonctionnelle transdiagnostique. Elle permettra le développement de thérapies plus efficaces, au travers de thérapies comportementales et cognitives basée sur les processus (lire notamment cet article fondateur par Stefan Hofmann et Steven Hayes et ce livre, auquel j’ai eu la chance de contribuer).
En attendant, nous sommes de plus en plus nombreux à considérer que les symptômes décrits dans le DSM et la CIM ne constituent pas les problèmes principaux des patients.
Pour l’ACT, les troubles psychologiques correspondent au fait de ne plus se consacrer à ce qui est important pour soi (le manque d’actions en direction des valeurs), parce qu’on est trop occupé.e à essayer de se débarrasser de ce qui nous fait psychologiquement mal (la perte de flexibilité psychologique vers l’évitement expérientiel). Ce sont ces symptômes que cible l’ACT. Ils sont même les seuls symptômes selon l’ACT.
Dans cette manière de considérer les troubles psychologiques, ce qui cause le plus de souffrance in fine est d’être privé de ce qui compte le plus pour soi, de ce qui nous parait essentiel, c’est-à-dire d’être privé de notre essence, dans les deux sens du terme : ce qui nous constitue, ainsi que notre carburant pour l’action. Aussi, en toute logique, l’objectif thérapeutique ultime d’un thérapeute ACT est d’aider ses patients à retrouver la force d’agir vers ce qui compte pour eux, afin qu’ils vivent en cohérence avec qui ils savent être.
En conséquence, dans mon DSM, il y aurait essentiellement des entrées comme :
ne plus explorer
ne plus apprendre
ne plus être connecté à l’autre
n’avoir plus personne à protéger
ne plus pouvoir contribuer
ne plus avoir l’occasion de transmettre
ne plus rien créer
ne plus partager
et toutes ces sources d’épanouissement pour lesquelles on pense être empêché.e, qu’on a perdues de vue ou délaissées.
Mon DSM serait beaucoup plus court, c’est certain, parce que nous vibrons et nous souffrons tous et toutes à peu près des mêmes choses.
Serait-il moins utile ? Ou, au contraire, aiderait-il davantage les thérapeutes et les patients à se concentrer sur ce qui a vraiment du sens, plutôt que de s’acharner à combattre la banalité du mal ?
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