Accéder au Soi Comme Contexte en s’amusant

En ces temps de désœuvrement, si vous en avez marre de faire du pain, je vous propose une expérience à réaliser à la maison afin de vous rapprocher du Soi Comme Contexte.

C’est un animal difficile à capturer, car il n’existe pas en tant que tel, en tant qu’objet. Il s’agit en fait d’un comportement d’observation particulier -observer qui observe-, qui disparaît en quelque sorte dès qu’on en prend conscience. Il existe pourtant une façon simple d’y accéder tout de même un peu: il suffit de se boucher les oreilles.

Il y a quelques années, des cliniciens ont proposé à leurs patients souffrant d’hallucinations auditives de porter un bouchon dans une de leurs oreilles[1]. Il y avait à la base une hypothèse de stimulation hémisphérique différentielle, qui n’a finalement pas été démontrée. On a pensé plutôt que le fait de se boucher une oreille conduisait les patients à davantage se concentrer sur ce qu’ils entendaient autour d’eux et que ce surcroit d’attention vers l’extérieur détournait l’attention porté sur les hallucinations, diminuant un peu en retour leur fréquence.

C’est l’expérience simple que je vous propose aujourd’hui : mettez des bouchons d’oreille et continuez vos activités quotidiennes. Vous allez d’abord vraisemblablement prendre davantage conscience de votre perception auditive, puisqu’elle sera inhabituelle. Puis, petit à petit, votre attention pour les sons va diminuer et vous pourriez prendre conscience non pas de ce que vous entendez, mais de qui écoute. C’est ce qu’on recherche.

En vous tenant à distance d’un de vos sens, vous modifiez légèrement l’intégration habituelle de votre Soi, qui se fait naturellement d’habitude au travers des sens, de la proprioception et de la conscience de tout cela. En modifiant légèrement la façon habituelle de percevoir, vous repérez mieux la différence qu’il y a entre vous et vos perceptions. Vous pouvez ainsi plus facilement centrer votre attention sur un Soi qui perçoit tout le reste (soi comme processus) et surtout, qui remarque qu’il perçoit, précisément parce que la perception (auditive dans cet exemple) est différente de d’habitude. Vous faites ainsi une expérience analogue à celle réalisée au cours d’un exercice de défusion dans lequel le langage est utilisé selon des modalités un peu différentes de d’habitude, en changeant la prosodie ou le timbre.

Vous n’avez pas de bouchon d’oreille ? Qu’importe, mettez ce qui vous passe sous la main. Une cornemuse ou un coquillage fera tout aussi bien l’affaire. Plus sérieusement, il y a de nombreuses façons de modifier légèrement ses perceptions. Vous pouvez par exemple immerger vos oreilles dans votre bain, porter un bandeau sur un œil, ne mettre qu’une de vos deux lentilles de contact si vous en portez, ou encore faire l’expérience du noir complet, les yeux grand ouverts, en mettant votre tête sous la couette, ou en passant un moment dans un placard ou une cave sans éclairage. Une psychologue américaine décrit une expérience analogue au cours de l’éclipse totale de soleil de 1999, qu’elle qualifie de moment d’unité, de connexion, de communion. L’expérience a été tellement forte pour elle qu’elle est devenue « chasseuse d’éclipses », ou plutôt, « chasseuse de Soi Comme Contexte » !

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[1] voir par exemple ici

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