Ne pas se laisser voler son temps: rêver

« Mais alors, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? »

Alice, Pays des merveilles

Ce virus nous vole du temps. Pas uniquement parce que nous en perdons dans des tâches dont nous n’avions pas à nous préoccuper auparavant, comme laver les courses ou coudre des masques. Surtout, puisque notre liberté est restreinte, nous pouvons plus difficilement nous mettre en contact avec ce qui est important pour nous. En tous cas sous la forme dont nous avons l’habitude. Plus compliqué de passer du temps avec nos proches, de faire progresser nos projets, simplement, d’être nous-mêmes.

Dans une approche froide et un tantinet déprimante/angoissante (au choix 😉 ), un site internet permet de calculer le temps qu’il nous reste statistiquement à vivre.

Tic tac tic tac… ce virus nous interdit –en partie seulement si on fait ce qu’il faut, mais tout de même- de passer du temps à faire ce qui compte à nos yeux. Un temps perdu à tout jamais.

Alors on anticipe le moment où on va recouvrer notre liberté de mouvement pleine et entière. Qu’allez-vous faire quand vous ne serez plus empêché.e, à la levée du confinement ? Où irez-vous ? Pour retrouver qui ? C’est une question qui m’intéresse particulièrement, au point que c’est celle dont j’attends le plus les résultats dans l’étude que nous avons lancée avec des collègues de nombreux pays (et à laquelle je vous invite à participer en cliquant ici et à la diffuser le plus possible dans vos réseaux).

Bien entendu, une part de nos actions quand tout cela sera derrière nous aura pour finalité des renforçateurs tangibles, concrets, immédiats. Il y a une terrasse avec vue sur l’île Barbe et quelques millefeuilles à la framboise qui m’attendent chez Jocteur et je ne laisserai pas ma part au chien. Mais ce qui m’intéresse davantage, c’est la part et la nature de nos actions qui prendront un sens particulier pour nous bien qu’elles n’entraîneront pas de renforçateurs concrets. Autrement dit, je suis curieux de découvrir comment les répondants de tous ces pays rêvent leur retour à une incarnation de leurs valeurs plus évidente, plus naturelle.

Privés de notre façon habituelle d’incarner nos valeurs, de vivre ce qui représente tant pour nous, il y a fort à parier que beaucoup de nos premières actions quand nous pourrons y revenir seront chargées d’un symbolisme fort, qu’elles vont représenter bien plus pour nous que ce qu’elles sont en fait. Nous vivrons de nouvelles premières fois. Et nous en aurons conscience. Quelle chance !

Les renforçateurs symboliques sont a priori les plus importants pour les êtres humains, car ils ont la particularité de transformer la force des autres stimuli, d’être inépuisables et auto-administrés. Nous retrouverons le chemin des actions symboliques dans la forme dont nous avons l’habitude. D’ici là, rêvez à ce que vous allez faire une fois que vous serez à nouveau libres de vos mouvements. Rêver, c’est déjà être en contact avec ces renforçateurs symboliques, avec du sens, et c’est souvent très nourrissant. Ne vous en privez pas.

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« Ils l’ont dit à la télé. Le virus et toutes ses restrictions, ses interdictions, ses empêchements de tourner en rond. Tout ça, c’est passé ! Enfin !
Louise est soulagée. Elle ne supportait plus le calme des trottoirs désertés, les bus vides, les supermarchés dévalisés des produits supposés de première nécessité. Un relent de lendemain de guerre qu’elle avait à peine connu enfant.
Elle installe sa chaise comme avant, devant la baie vitrée de son petit appartement au 4ème étage de cet immeuble du centre ville et reprend son passe-temps favori :
observer la vie des autres, de ceux qui sortent. »
Charles Louis, Recueil 100 mots

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