On tente de lutter contre le stress, alors qu’il ne représente peut-être pas le principal problème.
Les TCC se sont longtemps intéressées aux émotions négatives, avec l’objectif d’aider les patients à les apaiser lorsqu’elles devenaient trop difficiles à vivre. Des résultats considérables ont été obtenus, et un nombre important de patients présentant des problématiques variées ont été et sont encore aidés par les TCC. Mais, comme leur conception le permet (et l’impose presque), les TCC sont en pleine évolution. Parmi les changements, la troisième vague des TCC en a proposé un assez radical : ne plus combattre directement les émotions négatives, mais s’intéresser à la relation de l’individu à ses émotions. Ce ne sont plus la honte, la colère, la tristesse, la peur, etc qui sont considérées comme problématiques, mais ce qu’en fait l’individu, comment il réagit lorsque ces émotions apparaissent en lui. Dans cette approche qu’on pourrait qualifier de « méta-émotionnelle », les émotions premières sont validées, avec l’idée qu’elles ne représentent pas un problème tant qu’on ne se bat pas inutilement contre elles.
Un exemple de l’intérêt de cette distinction entre les émotions « premières » et celles qui constituent le produit de la lutte contre ce qu’on n’aime pas ressentir vient de nous être fourni dans le domaine des maladies cardiovasculaires. Une importante cohorte de 7268 personnes a été suivie pendant 18 ans dans le cadre de l’étude anglo-saxonne Whitehall II. On demandait aux participants au début de l’étude d’indiquer à quel point ils se sentaient stressés, mais aussi à quel point ils pensaient que leur stress avait des répercussions négatives sur leur santé. Dix huit ans plus tard, deux fois plus de décès et d’infarctus du myocarde étaient comptabilisés chez les personnes pensant que le stress qu’elles ressentaientt avait des effets néfastes sur leur santé. A niveau de stress équivalent, et après avoir contrôlé les variables socioéconomiques et les facteurs de risques (consommation de tabac par exemple), les personnes qui considéraient leur stress comme dangereux pour elles étaient davantage victimes de problèmes coronariens.
Il semble donc, d’après cette étude, que le niveau de stress ressenti a moins d’influence sur la santé physique que la valeur qu’on lui attribue. On peut faire l’hypothèse que les personnes qui pensent que le stress est néfaste et dangereux ont tendance à lutter contre ses manifestations, ce qui les conduit certainement à être davantage stressées, selon le bon vieux mécanisme de l’ours blanc cher à Daniel Wegner.
L’article complet est disponible ici.
Nabi, H., Kivimäki, M., Batty, G. D., Shipley, M. J., Britton, A., Brunner, E. J., … & Singh-Manoux, A. (2013). Increased risk of coronary heart disease among individuals reporting adverse impact of stress on their health: the Whitehall II prospective cohort study. European heart journal, 34(34), 2697-2705.