Le coussin moche de Valentina

Nous ne décidons pas des pensées qui apparaissent dans notre tête, pas plus que nous décidons des émotions qui nous traversent.

Et parmi toutes ces pensées et ces émotions, il y en a que nous n’aimons pas. Il y en a même certaines que nous détestons.

Alors il arrive que nous cherchions à nous en débarrasser ou à les contrôler. Parfois nous mettons tellement d’énergie à les maîtriser que cela devient notre occupation à plein temps. On rumine, ou on boit, ou on court dans tous les sens. D’autres fois, nous les écoutons, nous leur cédons, nous leur obéissons, et elles nous éloignent de là où nous voudrions aller, de la personne que nous aimons être. Dans les deux cas, les problèmes ne sont plus très loin…

La question se résume alors à savoir comment faire autrement avec ces émotions et ces pensées. Autrement que les combattre ou leur obéir.

Et c’est là que le coussin moche de Valentina intervient.

Valentina est une collègue psychologue. Sa mère a eu une idée formidable : elle lui a offert un coussin sur lequel est imprimé une photo d’elle avec son mari. J’utilise ici volontairement une formulation qui laisse planer le doute quant à savoir s’il s’agit d’une photo de Valentina et de son mari, ou de la mère de Valentina et de son mari, ou même de la mère de Valentina et du mari de Valentina. Plus ou moins glauque, mais assurément toujours très kitsch.

Valentina n’aime pas ce coussin. Elle le trouve aussi moche que vous pouvez l’imaginer. Pourtant, elle a choisi de le garder sur son canapé. Parce que c’est sa mère qui lui a offert. Parce qu’elle ne veut pas être contrainte de le cacher –elle y a pensé- et de le ressortir chaque fois que sa mère lui rend visite. Ou de le jeter –elle y a pensé aussi- et d’inventer un mensonge. Elle n’aime pas mentir à sa mère. C’est précieux une mère, on n’en a qu’une.

Alors Valentina garde le coussin sur son canapé.

Et elle le trouve toujours moche.

La plupart du temps cependant, parce qu’elle a décidé de faire une place à ce coussin, elle mène sa vie normalement. Elle regarde un film ou prend un café avec ses amis. Le coussin moche est là. Les amis lui disent parfois qu’ils trouvent le coussin très kitsch. Valentina est d’accord. Elle leur dit que c’est un cadeau de sa mère, tout le monde rigole un peu, et ils passent à autre chose.

Avec le coussin moche, là, tout proche.

Nous pouvons adopter la même posture avec nos pensées et nos émotions pénibles, avec nos souvenirs douloureux, nos jugements négatifs sur nous-mêmes. S’asseoir à côté d’eux et continuer à faire ce qu’on souhaite. Ne pas chercher à les cacher, à les contredire, à les faire disparaître. Après tout, ils nous sont offerts par notre histoire. C’est précieux une histoire, on n’en a qu’une.

[Cet article intéresserait quelqu’un dans votre réseau? Partagez!]

Laisser un commentaire