Si le libre arbitre n’existait pas

Imaginez que vous soyez convaincu que le libre arbitre n’existe pas. Dit autrement, imaginez que vous adhériez à 100% à la thèse selon laquelle nos comportements sont totalement déterminés par autre chose que notre volonté.

Ne paniquez pas.

Donc, imaginez : le libre arbitre n’existe pas. Cela signifie que tous vos actes sont le produit de variables externes, qui s’enchaînent les unes aux autres, sans que vous puissiez les influencer. Une interminable suite de causes et de conséquences à laquelle vous êtes totalement étranger.

Par exemple, vous levez la main non pas parce que vous l’avez décidé, mais parce qu’un de vos amis vient de dire « qui veut un café ? ». S’il n’avait pas prononcé cette phrase, vous n’auriez pas levé la main. C’est la prononciation de cette phrase qui vous a fait lever la main. Aussi, vous avez levé la main parce que vous aimez le café et que vous apprécieriez d’en boire à cet instant. Vous avez envie de boire un café maintenant parce que c’est la fin du repas, vous vous êtes levée tôt et vous sentez un petit coup de barre en approche. Si vous ne vous étiez pas levée tôt, si vous aviez pris un peu moins de cet incroyable curry, vous n’auriez sûrement pas voulu de café, vous n’auriez certainement pas levé la main. Mais vous vous êtes levée tôt. Et vous avez repris du curry.

Vous vous êtes levée tôt parce que vous deviez conduire la voiture au garage avant 7h00 ce matin. Le garage était débordé. Il a accepté de s’occuper de votre voiture, mais à la première heure. Le garage n’avait plus de place parce que quatre clients ont pris rendez-vous le même jour pour la révision de leur voiture. Autant de clients ont demandé la révision de leur voiture le même jour car c’est le dernier jour avant l’augmentation de la TVA sur les révisions de voitures, augmentation décidée 12 mois plus tôt par les députés. Si les députés n’avaient pas voté l’augmentation de la TVA, il n’y aurait pas eu autant de clients chez le garagiste, le garagiste aurait pu s’occuper de votre voiture à 11h00, vous vous seriez levée plus tard, vous n’auriez pas eu un petit coup de barre après le repas, vous n’auriez pas eu envie de boire un café, vous n’auriez pas levé la main. Vous avez levé la main parce que les députés ont décidé l’augmentation de la TVA il y a 12 mois ! Chacun d’entre eux a voté parce que etc. (ça vous rappelle une histoire de biquette ? Moi aussi :)).

En suivant cette thèse déterministe, il n’existait aucune alternative au fait que vous leviez la main à cet instant précis. Tous les événements se sont enchaînés pour vous conduire à cette action. Il ne pouvait en être autrement.

Imaginez donc que vous vivez dans un tel monde, où tout est déterminé, et où vous n’avez aucune prise sur les événements. Que vous reste-t-il ? Quelle est votre dernière marge de manœuvre ?

La seule chose qu’il vous reste c’est d’observer ce qui se passe. Vous êtes en quelque sorte posée devant l’écran de votre vie et vous regardez le film se dérouler.

Vous n’en ferez pas de plus mauvais choix, rassurez-vous. Cela ne changera pas le cours des événements en fait. Vous vous comporterez exactement comme vous l’auriez fait en pensant jouir de votre libre arbitre. Car après tout, sur quelle base prenez vous vos décisions habituellement? De quoi se nourrit notre libre arbitre, si ce n’est de variables extérieures à la décision ? Ces variables seront toujours là ; vous ferez les mêmes choix et vous vous comporterez comme d’habitude.

En faisant la seule chose que vous pouvez faire, observer, vous apprécierez quand ça vous plaît, vous attendrez que ça se termine quand ça ne vous plaît pas trop, vous aurez la curiosité de découvrir ce qui va se passer ensuite.

Surtout, vous n’aurez plus à vous soucier de savoir si vous faites le bon choix, si tout va bien se passer, si vous avez fait les bons choix par le passé, comment les autres vous jugent, etc. Vous serez un peu plus libre du brouhaha des pensées évaluatives qui nous accompagnent en permanence puisqu’elles ne seront alors plus que de simples commentaires.

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