Les processus psychologiques ont été découverts dès 1859 !

Quels sont les processus responsables des troubles psychologiques et comment les modifier ? Ce sont les questions auxquelles l’approche processuelle essaie de répondre. Et si nous avions déjà les réponses depuis un siècle et demi?

Nous sommes à une période charnière en matière de compréhension des troubles psychologiques et de leur prise en charge. Le modèle dominant, celui du DSM et de la CIM, est vivement critiqué. Son objectif a été de classer les problèmes psychologiques par groupe, par familles, en fonction de leurs description, dans l’espoir de découvrir leur cause et de les soigner plus efficacement, voire de les prévenir. Mais on s’est rendu compte que cette approche catégorielle, essentiellement descriptive, a amené finalement peu de progrès pour la compréhension des troubles, de leur origine et de leur maintien, comme dans leur prise en charge.

Aussi, nous sommes de plus en plus nombreux à promouvoir une approche processuelle, dans laquelle on cherche à découvrir les mécanismes psychologiques responsables des troubles, afin d’intervenir plus efficacement, plutôt que de décrire leur forme pour les catégoriser. De même, pour la psychothérapie, on cherche à découvrir les ingrédients réellement actifs des démarches thérapeutiques qui font la preuve de leur efficacité. L’idée est qu’en découvrant les processus responsables des troubles on parviendra à mieux aider les personnes en souffrance, et qu’en comprenant ce qui aide déjà les patients on pourra mieux repérer les processus responsables du développement et du maintien de leurs difficultés.

L’abandon de l’approche catégorielle n’est pas encore imminent cependant. En effet, elle est pratique à utiliser, et l’organisation des soins s’est construite sur cette base. L’autre raison est que l’alternative -l’approche processuelle- doit encore répondre à plusieurs questions avant d’être généralisée :

Quels sont les processus les plus importants?

Quels sont les processus à cibler en thérapie ?

En effet, depuis que la proposition d’une approche processuelle est apparue, de nombreux candidats-processus ont été proposés. La difficulté majeure est que ces « processus » ont souvent des contours flous, essentiellement en raison de la difficulté que nous avons encore à trouver un consensus sur la définition de ce qu’est un processus. Le perfectionnisme est-il un processus ? La rumination ? L’évitement expérientiel ? Aussi, il est souvent difficile de savoir si ces processus sont réellement mutuellement exclusifs ou s’ils se recouvrent, donc lesquels sont les plus déterminants dans l’apparition des troubles. Même chose en pratique clinique. Existe-t-il des processus communs mobilisés par la démarche d’acceptation, par l’exposition, par la restructuration cognitive ? Et même, au-delà des TCC, par la suggestion indirecte de l’hypnose ericksonienne ou la pratique du switch attentionnel ? La période récente a donné lieu à une explosion d’idées et de propositions nouvelles. La difficulté maintenant est d’en faire le tri.

Pourtant, si on regarde à un niveau fonctionnel, on découvre que ces processus se regroupent tous sous un tout petit nombre de processus centraux que sont la variation, la sélection et la rétention dans un contexte donné. En effet, il est possible de comprendre les troubles psychologiques comme des problèmes de perte de variation comportementale et cognitive, de sélection inappropriée de certains comportements -généralement par des conséquences apparaissant à court terme-, et des problèmes de rétention, c’est-à-dire de sensibilité aux conséquences des comportements les plus adaptés.

En clinique, cela signifie que tout mouvement thérapeutique qui créera de la variation des comportements sera efficace, quelle que soit la tradition psychologique ou le modèle théorique auquel il appartient. Aussi, tout mouvement thérapeutique qui favorisera la sélection de comportements adaptés à des contextes larges sera utile. Enfin, tout mouvement qui favorisera la rétention des comportements et la sensibilité au contexte, c’est à dire aux conséquences de nos comportements, sera bénéfique.

Or, il se trouve que les processus centraux de variation, sélection, et de rétention, n’ont pas été découverts récemment : ils ont été définis par Charles Darwin dès 1859 ! Sa formulation du mécanisme de sélection naturelle dans L’origine des espèces est en effet une proposition processuelle.

A ce jour, toutes les observations du vivant dont nous disposons, quel que soit le niveau d’analyse, relèvent du mécanisme sélectionniste. De fait, sauf à imaginer une différence de nature des êtres humains, on peut faire l’hypothèse que nos comportements répondent à ces processus centraux.

Dans ces directions, la proposition de l’ACT est que la variation doit concerner les comportements à fonction essentiellement interne (c’est-à-dire visant à modifier les états émotionnels et les pensées), que les agents de la sélection des comportements doivent être les stimuli symboliques positivement renforçants (ce qu’on appelle les valeurs), que la rétention doit être obtenue au moyen de l’engagement dans l’action, et que tout cela doit se faire dans une acception large du contexte, incluant le contexte physique, social, historique et psychologique.

Il se dit qu’une révolution consiste à revenir à son point de départ… Le travail à accomplir est certainement de moins nous considérer comme exceptionnels dans le règne animal, afin que la psychologie bénéficie du « modèle des modèles » qu’est la sélection naturelle.

Vous souhaitez apprendre à utiliser ces processus centraux pour la prise en charge des troubles psychologiques, les intégrer à votre pratique clinique, ou découvrir comment votre pratique les intègre peut-être déjà, et ainsi les utiliser de façon plus systématique ? Rejoignez-nous pour le prochain atelier sur ce thème.

[Cet article intéresserait quelqu’un dans votre réseau? Partagez!]

Laisser un commentaire