Laisser tomber ce qui ne marche pas en psychothérapie

Si on voulait résumer très simplement l’approche processuelle en psychothérapie, on pourrait dire qu’elle consiste à essayer de découvrir les processus psychologiques à l’œuvre dans les démarches thérapeutiques qui prouvent leur efficacité (elle implique aussi un abandon de l’essentialisation inhérente à l’approche catégorielle, mais ce n’est pas l’objet de ce billet). Ensuite il s’agit de systématiser ces processus, pour gagner en efficacité.

On passe ainsi d’une approche des psychothérapies dite « basées sur les preuves » à une approche plus exigeante, qualifiée de « basée sur les preuves complètes », telle que la proposent David & Montgomery (voir mon article précédent sur leur proposition). Concrètement, en plus de tester si les méthodes thérapeutiques aident les patients, il s’agit d’expérimenter, le plus souvent en laboratoire, pour savoir ce qui est réellement agissant dans celles qui fonctionnent. Il n’existe en effet aucune démarche thérapeutique qui n’impliquerait qu’un processus seul isolé. Même l’ACT -pourtant résolument processuelle- mobilise plusieurs sous-processus pour développer la flexibilité psychologique (voir à ce sujet mon chapitre dans notre ouvrage sur l’approche transdiagnostique1). L’objectif est donc aussi d’épurer nos démarches afin d’augmenter encore leur efficacité. En passant, cela permettra également de découvrir les processus qui conduisent au développement des difficultés psychologiques.

Il s’agit d’abord de se débarrasser de ce qui pourrait limiter leur portée. Sur cette question, un bon exemple est celui de l’exposition graduée, au cours de laquelle on propose de se rapprocher de sa peur, pour au final chercher à s’en éloigner, soit deux mouvements contradictoires (pour un développement sur cet question, voir cet article). La démarche consiste également à éliminer de nos pratiques ce qui n’est pas indispensable. Cela permettra d’abord de faire le tri des thérapies dont l’efficacité ne provient que de l’effet placebo et du socle de base de toute psychothérapie efficace, à savoir écouter l’autre, lui montrer de la sollicitude et de la bienveillance, lui donner l’opportunité de mettre de l’ordre dans ce qu’il ressent et ce qu’il pense.

En dehors de l’approche processuelle, mais dans une même optique finalement, l’attention de certains chercheurs se concentre sur les démarches thérapeutiques qui se révèlent totalement inefficaces. C’est le cas par exemple de John Norcross qui, avec d’autres, met en évidence que critiquer et invalider un patient ne marche pas, pas plus qu’adopter un style confrontant (bien entendu, cela ne signifie pas qu’il est inefficace de proposer parfois un point de vue différent). De même, ignorer les ruptures d’alliance et faire comme si la relation était de bonne qualité alors qu’elle ne l’est pas, ne semble pas non plus être une bonne idée. Il est préférable d’aborder ensemble directement et respectueusement ces difficultés.

Si vous comprenez l’anglais, je vous invite à écouter ou à lire l’interview de John Norcross. Aussi, pour aborder les choses sous un angle différent, le podcast Very bad therapy laisse la parole à des patients afin qu’ils décrivent ce qui a été compliqué pour eux au cours de la thérapie, ce qui les a gênés, blessés, ralentis, etc. Ecouter ce que les patients disent de leur thérapie constitue une excellente façon d’améliorer sa pratique, notamment en développant son empathie par le changement de perspective, une compétence qu’on entraîne également en formation.

1- Monestès, JL. (2016). La flexibilité psychologique : un méta-processus responsable des difficultés psychologiques. In JL. Monestès & C. Baeyens. L’approche transdiagnostique en psychopathologie. Paris : Dunod, pp. 85-99. Si vous n’avez pas l’opportunité de vous procurer le livre, souvenez-vous que je dispose de ce chapitre 😉

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Crédit photo Alex Green

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